1996. Trois adolescents de 12-13 ans ont diparu.
Les parents de la fille, Naïma, me contactent en urgence.
Je dois imprimer des avis de recherche. On les placarde en ville.
Un homme me contacte par lettres anonymes, me donne des indices.
Il cache des photos des trois enfants dans des livres, dans une bibliothèque, un magasin de peinture.
Il signe "Le Griffon". Une fausse piste. C'est quelques semaines avant l'affaire Dutroux.
Les adolescents réapparaissent. Ils ont passé 3 jours et 3 nuits dans un squat. Le Goulet 25 à Chêne-Bourg.
Ils n'ont pas averti leurs parents. Un des gamins est autiste, il devait rentrer à l'institut "la Combe".
Fausse alerte, les trois pré-ados jouaient du "dub" dans un local de musique avec Spicy, un indien de Madras.
3 jours et 3 nuits.
J'écoute leur musique et propose de publier leur cd.
Tirage à 300 ex. en sérigraphie.
La fille, Naïma, 13 ans, clarinette basse.
Johan, 13 ans violoncelle, flutes, et instruments bizarres.
Vassili, l'autiste, 13 ans, sitar.
Il ne joue que des phrases répétitives, mais pas mal.
Je les fais poser pour la pochette de leur Cd, et en profite pour faire une série de photos plus personnelles.
Ils veulent s'améliorer musicalement et partent prendre des cours en Inde. Bénarès d'abord.
Le violoncelliste, Johan, m'envoie des e-mails, pour m'intéresser aux ragamalas.
Je lui fais la surpise de publier ses e-mails sous la forme d'un recueil
que j'illustre avec des peintures de ragas traditionels où je remplace les personnages par lui et ses deux amis.
1997. Les trois musiciens descendent à Madras et donnent un concert retransmis en direct à Genève par internet.
Spicy, l'ingé-son avec qui ils ont enregistré leur premier album est resté à Genève. Il mixe les dubs en live devant un écran géant au cyber-T à Artamis, pendant que le trio joue à distance devant des web-cams.
J'aide à organiser ce concert, imprime les flyers en sérigraphie et présente l'évènement comme mon travail de fin d'année aux Beaux-arts. Christian Marclay et Olivier Mosset sont là. Ils n'ont pas l'air d'apprécier...
J'ai aimé photographier ces trois jeunes personnes, je trouve qu'à trois, ils dégagent quelque chose d'étrange.
Je façonne des petites sculptures à leur effigie, les mets en scène dans un castelet.
Enfin, je décide de les rejoindre à Bénares où je fais une exposition basée sur leur découverte de la ville.
C'est leurs effigies que je représente (j'ai fait habiller ces marionnettes par un tailleur à New Delhi), plutôt qu'eux, sur fond de crematorium, de gaths et de temples.
De retour en Suisse, le trio enregistre un album live avec Claude Sandoz. Je produis l'album et réalise la pochette à partir d'une toile de 2mètres par 4.
Le séjour en Inde a beaucoup profité à Vassili, musicalement, mais aussi socialement.
Les indiens sont très ouverts et l'ont accepté tel qu'il est. Par contre, le retour en Suisse est un choc. Vassili a été retrouvé un jour marchant seul sur une autoroute !
1999. L'envie de se remettre très vite à voyager amène Vassili, Johan & Naïma à Tokyo. Ils sont partis à la recherche d'une pop star, Kyoko, avec qui ils aimeraient enregistrer un album. Un seul problème, cette pop star est virtuelle ! Ils ne la rencontreront jamais.
Ils restent malgré tout six mois à Tokyo, puis reviennent pour enregistrer un nouvel album. Ils doivent donner un concert à la Konsumbäckerei à Soleure, un espace d'art contemporain. Je demande au curateur du lieu de m'envoyer une photo de toutes les personnes qui risquent d'être présentes à l'évènement. Je réalise une peinture monumentale représentant le trio, sur scène, devant un public composé de toutes ces personnes. Je reproduis cette peinture sur la pochette de l'album. A la fin du concert, les spectateurs découvrent qu'ils figurent sur la pochette Cd d'un groupe qu'ils voient pour la première fois.
2000. Christine Schaffer, une amie de Naïma, propose de soigner l'autisme de Vassili. Un chirurgien de sa connaissance réalise des trépanations et a trouvé le moyen de faire des extractions de la pierre de la folie. L'opération est un succès. Vassili est presque normal aujourd'hui.
En convalescence, Vassili se penche sur mon travail, il aime s'y voir figurer, mais il n'aime pas mes compositions et trouve que je devrais utiliser des mises-en-scène plutôt que de me contenter de peindre des détails de la vie quotidienne. Il trouve que des éléments de fictions devraient apparaître dans mes tableaux. Comme il me pense incapable de trouver moi-même des scénarios à mettre en peinture, il me propose d'aller demander à Paul Auster de s'en charger.
Je le contacte en lui envoyant des dessins, des peintures régulièrement, depuis Genève d'abord, puis depuis New York, Brooklyn, finalement je lui laisse des petits tableaux à l'épicerie où il achète deux litres d'eau chaque jour... je laisse des polaroïds dans sa rue... Quand enfin je le rencontre, ça se passe très mal. C'est quelques mois après le 11 septembre.
Ce séjour à New York n'est pas un total échec, j'ai scanné chaque dessin envoyé à Paul Auster, et je peux donc publier un petit catalogue intitulé Psychose New Yorkaise. Mes modèles sont tout-de-même désolés de m'avoir si mal conseillé. J'en profite pour leur proposer de faire une série sur leur vie quotidienne. Ils doivent me laisser les suivre partout pour les croquer dans toutes situations.
Un petit job de vacance pour Naïma, elle fait des visites guidées au Kunsthaus de Glaris pendant un été.
Ils doivent poser nus, pour moi, dans un centre d'art. Tout va bien au début, je fais 3 ou 4 grands tableaux, mais dès que les premiers visiteurs arrivent, trop prudes, mes modèles s'éclipsent. Je passe le reste de l'expo à les attendre.
Johan rencontre Sylvestre, un homme qui vit seul en clochard dans la forêt de Môtiers, il lit Rousseau, collectionne les chaussures de femme à talons hauts. Je fais une double peinture, sous forme de paire stéréoscopique, les montrant en train de partager une absinthe. J'offre la peinture de gauche à Sylvestre et la droite à Johan. Sylvestre restant introuvable aujourd'hui, la vision en relief de cette peinture ne peut plus être recomposée.
Gonflé par sa position de modèle privilégié, Vassili va se présenter à d'autres artistes genevois occupant momentanément une villa. Sydney Stucki refuse de le rencontrer, d'autres comme Letizia Ramos, ou Meesha Chang lui font un bon accueil, mais personne ne veut le prendre comme modèle. Heureusement pour moi...
VJN sont de plus en plus professionnels comme modèles. Ils peuvent garder la pose dans une immobilité totale tellement longtemps que je peux peindre des tableaux en stéréoscopie anaglyphe. C'est-à-dire que je les peins en rouge avec l'oeil gauche, puis, par-dessus, en vert avec l'oeil droite. Ensuite les spectateurs mettent des lunettes rouges et bleues et voient le tableau en relief.
Dans une expo collective à Neuchâtel, je présente des tableaux faits en réaction à des textes d'Aurélie Fuchs. Comme je montre aussi des oeuvres anaglyphes (en 3d à voir avec des lunettes rouge et cyan) je décide de peindre les tableaux qui ne sont pas en relief en noir et blanc, pour éviter toute confusion. C'est surestimer mon public ! La plupart des gens ont gardé ces lunettes pour voir le reste de l'expo, à savoir les oeuvres abstraites du peintre de la salle d'à côté, et ils disaient : "ça marche bien !"
Johan commence à trainer dans le milieu homo genevois. Il rencontre Pierandré Boo, Greta Gratos, Arnaud Buchs... toujours dans l'idée de faire des tableaux en relief, je le peins en train de se faire travestir par Arnaud sous la forme de 4 tableaux formant 3 paires stéréo. Greta Gratos et Pierandré Boo étant une seule et unique personne, je les fais apparaître en deux dimensions sur mon tableau 3d.
Johan W. se lance dans le graphisme. Je l'aide à réaliser un projet d'affiche pour le trio genevois "Triolisme". Ce groupe a joué pour mon vernissage à Neuchâtel. La galeriste a écorché un peu leur nom dans la presse, en annonçant une performance du trio "Lime".
Je termine mes recherches sur la peinture stéréoscopique avec une grande installation. Sur deux peintures monumentales, Vassili, Johan et Naïma se trouvent au centre d'art contemporain. En regardant dans un stéréoscope monté sur chariot à roulettes, le spectateur voit la peinture en trois dimensions, il se voit lui-même évoluer dans la peinture, mais en deux dimensions.
Après trois albums cds publiés, le trio "Vassili, Johan & Naïma" se sépare. Le style de Vassili, au sitar, ne colle plus avec le nouveau style du groupe, plus free jazz. Johan et Naïma créent alors une nouvelle formation, avec Nadan Rojnic et Julien Israelian. Ce nouveau quartett intitulé "Crash Landing" part six mois en tournée en Europe et enregistre un album en live à la Kulturfabrik à Berlin.
Evincé de son groupe de musique, Vassili se réfugie dans la création de marionnettes. Aidé par Philippe Dunant, il va fabriquer un castelet équipé de lumières, de décors, et de possibilités pyrotechniques.
Vassili travaille quelques mois sur une pièce intitulée "Canard et Super-héros", dont le sujet principal est son opération de la pierre de la folie, quelques années auparavant. Il ne donnera qu'une seule représentation de cette pièce, il en reste heureusement une trace vidéo.
Quand Johan et Naïma reviennent de leur tournée musicale de six mois, ils retrouvent Vassili dans un état étrange. Il est resté en compagnie tellement étroite avec ses marionnettes, qu'il s'identifie totalement à elles.
Je profite d'une expo collective au Musée Rath à Genève pour reparler du squat du Goulet. Ce squat a été incendié de façon criminelle et volontaire, à 4 reprises, par les autorités de Chêne-Bourg. Tout-le-monde le sait et personne n'ose le dire. Je montre donc Johan dans sa chambre de l'époque au moment de ces différents incendies. Comme le Grand Théâtre, à côté du Musée Rath avait aussi subi un incendie criminel à une époque, c'est une bonne excuse pour revenir sur un sujet sensible.
2006, Berlin, mes modèles doivent me rejoindre pour un vernissage à l'ambassade suisse. Leur passeports ne sont plus valables, ils n'ont pas le temps de les faire refaire. Johan change la date d'échéance du sien en collant un discret montage photoshop. Naïma, idem, mais à la main, avec du tip ex gris. Vassili, trace l'ancienne date au marker noir et inscrit la nouvelle.
Fin 2006, cela fait dix ans que j'ai rencontré Vassili Lavandier, Johan Wacquez & Naïma Bourquin. Dix ans qu'ils posent pour toutes mes peintures !
Alors que Vassili profite cinq fois par semaine des petits déjeuners gratuits qui sont servis aux pauvres sur le bateau "Ville de Genève", il rencontre le biographe de Luigi Lucheni, (l'assassin de Sissi). Fasciné par les événements historiques qui ont eu lieu sur ce bateau, Vassili se croit entouré du fantôme de Sissi et celui de Luigi Lucheni. Il craint même de croiser la dame blanche des Habsbourg.
Vassili et Naïma viennent aider l'Harmonie de Môtiers à interpréter une pièce de John Menoud, tirée du Devin du Village de J.-J. Rousseau. Cette pièce musicale et chorégraphique s'intitule :"On peut vivre ici, puisqu'il y a des habitants".
Le squatt Rhino est évacué par les hommes du procureur Général, Daniel Zappelli. Nouveau déménagement pour Vassili, Johan et Naïma qui vont prendre part à de nombreuses manifestations.
C'était la goutte d'eau : fermer Rhino, un des derniers squatts, un symbole. Naïma & Johan n'ont pas supporté. Ils passent à l'action ! enlèvent le procureur général de Genève, le cellophanent et le cachent à jamais dans un entrepôt dont eux seuls connaissent l'adresse !
Pourquoi cette fascination pour un homme d'argile qui prend vie quand on lui grave un certain mot en hébreu sur le front ? Je l'ignore, mais mes modèles étaient tellement enthousiastes, les mains dans la terre à façonner ce bonhomme de taille humaine... j'ai même fini par poser pour eux, car aucun des trois n'a de véritable notion des proportions académiques. Leur Golem aurait vraiment pris vie d'après eux, on l'aurait même aperçu au vernissage de mon expo chez Foxy Production à New York, étonnant.
Parfois, des personnages de fictions peuvent apparaître aux yeux de certaines personnes, si elles sont assez réceptives.
Vassili est surpris de découvrir le monde select des grandes galeries d'art lors de la FIAC à Paris. Ce monde, tellement différent du sien lui paraît caricatural.
Il décide d'inviter ces gens à venir voir son monde à lui. Il engage un cuisinier (Cyril Vandenbeusch) trouve un lieu et surtout, il décide d'un dress code.
Mes trois modèles sont engagés par Héloïse Miermon pour participer à une pièce de danse contemporaine intitulée Gazobumeu. Naïma y danse avec une marionnette à son effigie, Vassili également. Johan, lui, joue avec son ombre.
Johan tourne un film sombre et dramatique avec Naïma et Vassili. Je m'inspire des scènes qu'il tourne pour faire une série de peinture, même si je ne connais pas le scénario ni le sens de son film.
Johan ne voulant pas me laisser lire le scénario de son film, je jette un coup d'oeil à ses rush sur son banc de montage.
Après avoir lutté pour la survie des squatts et des espaces culturels auto-gérés, Johan se retrouve à la rue. Il finit par se résoudre à louer à prix d'or un studio minable où il entrepose tout ce qu'il ne parvient pas à jeter, ses meubles, ses instruments de musique, et ses divers trophées. Il va vivre là, dans un espace restreint. Il s'y adonne à ses petites passions qui étaient beaucoup plus compréhensibles dans des maisons désaffectées, avec jardin, comme le dépecage d'animaux, la récupération à grande échelle d'objets encombrants glanés sur les trottoirs des quartiers chics... et surtout, Johan va déployer sur les 4 murs de son minuscule espace sa collection de manchettes.
Chaque manchette commence par "il", ou alors parle de "lui", car ces manchettes retracent la vie d'un héros. Ce héros urbain, qui sème la police en chaise roulante, qui trompe le fisc, qui tue 11 taureaux d'un coup, et qui tue sa femme à 17 reprises (17 femmes différentes) sans compter les enfants... ce "il", c'est lui ? c'est Johan ?
De plus en plus, le doute s'installe. Ses amis commencent à parler de démence, de syndrome de Diogène...
En voulant accrocher une manchette de sa collection sur son plafond, parce que les 4 murs sont déjà remplis, Johan tombe de l'échelle et se fracture l'astragale. Par chance le psychiatre Jacques Arpin et son épouse sont arrivés et ont pu le conduire à l'hôpital sur un brancard de fortune.
Jacques Arpin invite Johan à parler devant des psychiatres venus du monde entier à un colloque en Italie. Au lieu de parler de ses problèmes, il décide de parler de mon travail pictural, car lui se sent parfaitement normal, alors qu'il trouve que mes peintures montrent un signe évident d'une certaine pathologie.
Dans une salle d'attente, Vassili, Johan & Naïma assistent au pétage de plomb d'un type. Il commence par dépoter les plantes et les piétiner, puis il se déshabille, chie partout, répand son sang sur les murs, puis il se calme, et devient extrêmement amical. Il s'appelle Jean-Louis Costes.
Cette rencontre a principalement marqué Vassili. Mais Naïma semble fascinée par le monde de Jean-Louis.
A New York, Vassili, Johan & Naïma ont découvert le fétichisme grâce à leur ami Insaniel (qui s'est tourné aujourd'hui vers les "Rape parties")
Vassili y pratiquera le Watersport lors d'une soirée, puis encore une ou deux fois après.
Cette expérience l'a un peu choqué, et il la tient responsable de ses problèmes de peau (alors que ceux-ci sont récurrents)
Il veut se soigner en profondeur et, comme les crèmes ont un effet désastreux sur son épiderme, il s'invente une thérapie personnelle à base d'insectes, coccinelles, larves de mouches, criquets...
A Brooklyn, dans un studio où Johan et Naïma enregistrent avec Matt, un des musiciens du Nervous Cabaret, je rencontre David Schild. Cet artiste travaille avec des personnages imaginaires. L'idées d'intégrer des personnages imaginaires dans mes peintures m'intéresse et je l'invite à venir à Genève lui et son père noël du klukluxklan (Father X-mas), son pompier pyromane (Action-Man Man of Action) et son Celestial Abraham Lincoln, revenu des morts. L'artiste jouera ce dernier personnage, Jessica Arpin fera le Father X-mas, et Sotho, le précurseur de la lévitation, sera Action Man. Une performance publique, dans mon atelier, amènera Johan à vendre son âme à Golden Sachs, alors que Naïma est violée par le père Noël, que Action Man est saigné, puis son sang donné à boire à Vassili, le tout finit dans un bain de sang et de feu, mon atelier gardera des traces de fumée et des confettis collés pendant des mois.
Naïma découvre un bois de boulots sur le Salève et y fait des rencontres étranges.
Elle va également y sacrifier le canard domestique qui vit dans son salon depuis trois mois.
Vassili vit une situation étrange avec ses marionnettes. Il est sur le point de faire une découverte sensationnelle qu'il a relatée à l'écrivain français Jacques Houssay. Celui-ci s'est inspiré de ces faits étranges pour écrire une nouvelle intitulée pour l'instant chapitre 0. J'ai peint la suite de cette aventure et l'ai nommée chapitre 1. Cette série d'événements qui arrivent à Vassili feront peut-être l'objet d'un livre à moitié écrit, à moitié peint.
En 2011, on parle tous de 2012 et des nombreuses prédictions de fin du monde, notamment à cause de la fin du calendrier Maya. Vassili, Johan & Naïma ont rencontré un vieil artiste-peintre (Gilbert Vuillème) qui avait fait le thème astral maya de Vassili avant sa naissance. Il lui avait prédit des problèmes de surpoids, et l'avait imaginé marionnettiste ou magicien. Il explique à mes trois modèles que décembre 2012 annonce une période de changement à grande échelle et d'inversion des pôles.
Suite à ces paroles Vassili essaie de sauver ses marionnettes en les enfermant dans des bocaux qui lui paraissent pouvoir résister à des tempêtes cosmiques. Johan s'évertue à trouver un moyen d'envoyer le contenu de tout l'internet sur une orbite éloignée. Naïma fait un retour à la nature, elle essaie de parler aux arbres.
D'un autre côté, tous trois vivent leurs vices avec plus de détermination.
Naïma commence à s'intéresser aux voyages chamaniques dans des mondes parallèles.
L'été 2011 est caniculaire.
L'artiste belge Wim Delvoye a tatoué le dos de Tim Steiner, faisant de ce zurichois une oeuvre d'art vivante. Johan et Naïma le kidnappent, lui volent son tatouage et le remplacent par un faux. "Tim" de Wim est un faux, le vrai se trouve dans l'entrepôt de Naïma, à côté du procureur cellophané.
Le 9 octobre 2011, Naïma s'est fait engrosser par le "sur-commandant". Quelques mois plus tard, elle lui annonce sa paternité.
Vassili réorganise une fête. Cette fois, il veut occasionner moins de frais et ne sert que de la junk food. En outre, il n'invite que ses marionnettes à partager son repas. L'ambiance est étrangement déviante.
Naïma Bourquin est bientôt à terme. Elle est paniquée à l'idée d'élever un enfant. Elle-même n'a aucun souvenir d'avoir été éduquée, ses premiers souvenirs remontent à ses treize ans (elle souffre d'amnésie puérile). En plus, elle a des visions qui lui font croire qu'elle accouchera d'un monstre. Elle décide d'aller consulter. Le thérapeute lui conseille de renouer avec ses parents qui ont quitté Genève précipitamment en 2008. Elle se rend dans leur village et y passe des heures dans la forêt.
Personne n'a vu Naïma depuis juillet 2012. Elle a probablement accouché. La dernière trace d'elle : un message laconique sur le répondeur de son psy. Vassili et Johan sont partis à sa recherche. Je n'ai plus de modèles. Pour garder la main, je peins 14 petits paysages urbains. N'importe quoi.
Johan va à New York avec un de mes tableaux, un paysage urbain du "Chapitre 3A" dans ses bagages à main. Sous les rayons X, il croit voir apparaître une photo floue de Naïma.
Plus tard, nous amenons les 14 paysages à la Clinique de la Colline, Naïma figure sous tous les tableaux.
Johan a inventé un appareil, formé de deux hypercubes, qui devrait l'aider à retrouver Naïma. Cet objet qu'il appelle "hyperviseur" le mènera dans des lieux improbables.
Naïma n'a pas disparu. Elle n'a pas changé de dimension comme le croyait Johan.
Elle a simplement décidé de prendre ses distances, de préserver son nouveau-né de son ancienne vie…
Jacques Houssay l'a rencontrée à Tchan-Zâca, dans un bar avec des rhinocéros au mur.
Hélas, il ne parvient pas à se souvenir de l'emplacement de cette ville.
Etait-ce aux alentours de Paris, au Val-de-Travers, à Mexico D.F. ?
Vassili est mort.
Le journaliste suisse Arnaud Robert a trouvé son corps obèse dévoré par des chats, après un cyclone, dans une île caraïbe.
Nous organisons une "Vassili Posthume Party" en l'honneur de notre ami disparu.
(Sa présence ectoplasmique était palpable)
Naïma me présente Arthur (un Tchan-Zâcien) son nouvel ami. Sa tête m'échappe. J'essaie de le peindre, le dessiner, le sculpter… mais son visage ne me revient pas.
En regardant dans leur "slaughter box", Naïma, Arthur & Johan voient s'activer des petits personnages bidimensionnels.
Vassili me manque…
Arthur a rejoint le groupe Crash Landing.
Johan a eu des soucis avec la justice. Beaucoup d'amis sont venus témoigner en sa faveur. Il est condamné à 26 semaines de prison ferme.
Johan W. va passer ses 26 semaines de réclusion dans l'institut pénitentiaire flambant neuf de Tchan-Zâca.
Pour passer le temps, il dessine sur les murs de sa cellule avec des néocolors.
A chacune de mes visites hebdomadaires je découvre une nouvelle composition murale par l'étroite fenêtre de sa geôle.
Johan sort de prison.
A son retour à Genève, nous fêtons avec lui et Naïma nos 20 années de collaboration.
Arthur rejoint notre équipe même si son visage continue à m'échapper.
Le visage du Corbusier est amené à disparaître des billets de 10.-
Johan qui a adoré sa cellule de prison construite selon le Modulor ne peut pas accepter cette idée.
Il invite ses amis à venir imprimer avec lui des faux billets de 10.- sur les nouveaux billets de 50.-
Je comprends pourquoi Naïma aura attendu 5 années avant de me présenter son fils Malkos. C'est un enfant indigo qui, en plus, souffre d'argyrisme. Où qu'il se trouve, tout-le-monde le dévisage.
Je fais poser le fils et la mère pour une "vierge à l'enfant" que je compte montrer dans une église. Au final, je préfère dédier cette image à Erzulie Dantor ou Erzulie Freda. Après un rituel vaudou en bonne et due forme, mon temple est "chargé". Il restera en place plusieurs mois dans cette vieille église bernoise.
Arthur Reilly, comme tous les tchan-zâciens, ne travaille que trois jours par année. En 2017, sa corvée aura consisté à imprimer 300 visas pour Tchan-Zâca dans le consulat clandestin de la République Autonome de Tchan-Zâca, installé dans un container bleu sur la plaine de Plainpalais à Genève. Tchan-Zâca n'étant pas encore reconnu par la communauté internationale, Genève risquait de ne pas accepter cette petite ambassade ambulante. Nous nous sommes donc mis à cinq pour aider Arthur à camoufler le consulat clandestin en le dissimulant derrière une fausse exposition de gravures.
Arthur me parle de sa vie passée à Tchan-Zâca.
Ses anecdotes compliquées m’amènent à faire des tableaux laborieux mais, d’après lui, ma peinture
n’est pas fidèle à ses descriptions.
Il est énervé de ne jamais se reconnaître dans mes tableaux.
Il me propose de consulter une neurologue, d’après Arthur
ma perception de la réalité aurait un défaut.
Grâce à une expérience menée par Sophie Schwartz, nous réalisons qu'Arthur générait autour de lui une prosopagnosie inversée collective : personne n'arrivait à percevoir son visage correctement. Aujourd'hui que ce problème est réglé, nous le voyons tous tel qu'il est. Comme la plupart des Tchans-Zaciens, il n'a qu'un oeil au milieu du front.
Après avoir gagné une forte somme au black jack, Naïma part en vacances avec ses proches.
La visite d'un immeuble à Tchan-Zâca au 10a Rue du Théâtre Booléen.
La visite d'un immeuble à Tchan-Zâca dans la ruelle du Confinement.
Arthur et ses proches s'apprêtent à accueillir une première vague d'immigration à Tchan-Zâca
La visite d'un petit square au dessus du Théâtre Booléen.
De nouveaux visages ont fait leur apparition en ville.
Johan aimerait partir s'installer à Tchan-Zâca. Alors qu'il a déjà fait ses valises et rendu les clefs de son appartement, l'aéroport de Genève ferme ses portes pour cause de pandémie mondiale.
Johan attend patiemment la réouverture des longs courriers. Il s'installe provisoirement dans une vieille cabine téléphonique proche de l'aéroport.
Sur la Place des Mascarades, des Tchan-Zaciens (monoculaires) se livrent à des moments de stereocophonia : ils regardent dans la même direction, joue contre joue, et décrivent précisément ce qu'ils voient. Pour eux, c'est une belle manière de percevoir la troisième dimension.
Tchan-Zâca accueille de nouveaux visiteurs : il s'agit des rescapés de l'iconoclasme de 1535 à la Cathédrale St-Pierre.
Nous avons rencontré le sosie et presque homonyme de Vassili à Tchan-Zâca ! Il s'appelle Vassiliev, mais se fait appeler "Seagull".
Quand il pose pour moi, j'ai l'impression de retrouver mon trio de modèles originel.
L'archipel de Tchan-Zâca flotte actuellement vers le nord et vient de dépasser le tropique du Capricorne.
Les Tchan-zaciens ont orchestré une conférence pour la paix sur la Place des Mascarades. En l'absence de réponse de la part des ministres et présidents invités, les Tchan-zaciens ont pris l'initiative de les représenter en arborant des masques à leur effigie.
Les accords de Yalta ayant été détricotés, l'ambiance devient festive sur la Place des Mascarades.